La « résistance » s’organise aux États-Unis contre Donald Trump

Manifestations, pétitions, démonstrations de soutien aux minorités : les anti-Trump poursuivent leur mobilisation.

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Lors d’une manifestation anti-Trump, le 14 novembre à Seattle. JASON REDMOND / AFP

Près d’une semaine après l’élection de Donald Trump, à quoi sert de continuer à protester ? « On cherche à se montrer qu’on n’est pas tout seul », dit un ingénieur d’origine indienne venu de la Silicon Valley avec ses deux filles participer à l’un des rassemblements organisés le 13 novembre, à San Francisco.

Le « président élu » a beau s’être installé dans le paysage, le choc est resté. Et la « résistance » – selon le terme revendiqué par les intéressés – ne faiblit pas. Tout le week-end , les manifestations anti-Trump se sont poursuivies à New York et Los Angeles, mais aussi dans des villes moyennes comme Erié (Pennsylvanie) ou Dayton (Ohio). Lundi 14 novembre, ce sont les lycéens qui sont descendus dans la rue, à Seattle (Washington), Portland (Oregon), Denver (Colorado), Silver Spring (Maryland), Tucson (Arizona).

Les manifestants ne réclament rien, et rien, surtout, que Donald Trump semble prêt à leur accorder : désavouer ses propos racistes de campagne. Ils ne remettent pas en cause, pour la plupart, le résultat de l’élection mais cherchent à se rassurer , se réconforter les uns les autres sur leurs « valeurs » inchangées.

« Murs de l’empathie »

Beaucoup portent une épingle à nourrice sur la poitrine, symbole de la « protection » qu’ils s’engagent à fournir aux plus vulnérables. « Si vous êtes musulman, femme, homosexuel, personne de couleur, latino, transsexuel, immigrant ou handicapé : je suis avec vous », proclame un habitant de San Francisco derrière une pancarte rédigée à la main. Dans le métro de la ville californienne, sont apparus des « murs de l’empathie », comme à New York après le 11 septembre 2001. On y colle des pensées ou des encouragements. « Love trumps hate » : « L’amour est plus fort que la haine ».

Depuis l’élection, une partie de l’Amérique est plongée dans l’anxiété. Les incidents xénophobes se sont multipliés. Entre le 8 et le 11 novembre, le Southern Poverty Law Center (SPLC), l’organisme de référence en matière de surveillance des extrémistes, a reçu plus de 200 plaintes pour des faits racistes ou antisémites. Des croix gammées sont apparues dans les universités , des étudiants noirs ont reçu des menaces signées « Daddy Trump ». Dans le Maryland, une église qui célèbre des offices en espagnol a été barrée d’une inscription : « Trump Nation, Whites Only » (« La nation de Trump, seulement pour les Blancs »). Le slogan de campagne, « Make America great again » a été détourné en « Make America white again », comme si « grandeur » et « blancheur » étaient synonymes. « Les suprémacistes blancs pensent que leur homme a gagné la Maison Blanche », analyse le SPLC.

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Devant la mairie de Los Angeles, le 9 novembre. MARIO ANZUONI / REUTERS

Pour les enfants d’immigrés, « l’élection de Trump, c’est une sorte de 11-Septembre », commente le magazine Westword de Denver. La peur est réelle. Dans une école de l’Etat de Washington, les élèves, à la cafétéria, se sont mis à scander « Build the wall ! » (« Construisez le mur ! »), comme dans les meetings de Trump. A San Francisco, une jeune Américaine d’origine assyrienne a posté sur Facebook la vidéo d’une passagère du métro qui, l’entendant parler une langue inconnue, lui assure que Trump va l’« expulser ».

À Los Angeles, les deux acteurs vedettes de la série télévisée de HBO Silicon Valley, Thomas Middleditch et Kumail Nanjiani, ont été pris à partie dans un bar par des fans du président élu. « Je ne peux pas imaginer ce que ça doit être , dans d’autres endroits, d’être quelqu’un qui a mon physique », s’est alarmé le jeune comédien d’origine pakistanaise.

Parmi les anti-Trump, certains ne désespèrent pas de renverser le résultat de l’élection. Une pétition sur Change.org, intitulée « Faites de Hillary Clinton la présidente le 19 décembre » (date de la réunion du collège électoral), a conquis les campus . Elle appelle les grands électeurs – qui doivent, selon la Constitution, choisir le président, élu au suffrage indirect – à porter leur voix sur celle qui a remporté le vote populaire (avec plus de 668 000 voix d’avance, selon un décompte non définitif) plutôt que sur Donald Trump. Un scénario hautement improbable, mais réclamé par plus de 4 millions de signataires.

D’autres mettent l’accent sur la vigilance. Dans une pleine page du New York Times, le11 novembre, l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU) a demandé à Donald Trump de désavouer ses promesses sur l’expulsion de 11 millions de sans-papiers, la réautorisation du waterboarding (le simulacre de noyade) pour les interrogatoires, etc. « Si vous essayez de faire de ces promesses une réalité, vous vous trouverez à chaque pas confronté à la puissance de feu de l’ACLU », menace l’association, en rappelant qu’elle compte des millions de partisans, et des juristes dans tous les Etats.

Des manifestations sont déjà en préparation à l’occasion de l’investiture du 20 janvier à Washington, dont une marche d’« un million de femmes ». Plusieurs villes, dites « sanctuaires », dont Chicago ou San Francisco, ont fait savoir qu’elles continueraient à fournir des services sociaux sans condition aux sans-papiers, malgré la menace de Donald Trump de les priver de subventions fédérales. Les associations de soutien aux immigrés ont commencé à tenir des réunions pour rassurer les « dreamers », les jeunes clandestins arrivés avec leurs parents, qui ne doivent qu’à un décret de Barack Obama – facilement réversible – leur statut légal aux États-Unis.

« Sans-papiers, mais sans peur »

« Pendant les quatre prochaines années, nous allons montrer que nous sommes certes sans-papiers, mais aussi sans peur », écrit l’avocat Cesar Vargas, un proche de Bernie Sanders lui-même sans-papiers, dans l’hebdomadaire The Nation. Au contraire de Barack Obama et de la plupart des responsables démocrates, qui estiment qu’il faut donner sa « chance » à l’homme que les Américains ont élu, les militants progressistes refusent toute « normalisation » de la situation.

« Résistance » est leur maître mot. Et grâce à Donald Trump, qui a mis fin à la dynastie Clinton, ils espèrent prendre les rênes d’un Parti démocrate sonné par la défaite.

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